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Archive de décembre, 2013

Le 12 décembre 2013 – Députés, sénateurs et associations se sont regroupés pour proposer un projet de loi visant à interdire le mercure dentaire en France.

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) désigne le mercure comme l’une des 10 substances les plus préoccupantes dans le domaine de la santé. Ce métal est toxique pour le cerveau, pour les reins, pour le système immunitaire et il est, en plus, un perturbateur endocrinien. Le mercure métallique est classé cancérogène, mutagène et toxique pour la reproduction. Du fait de la variabilité des sensibilités individuelles, il est impossible de définir un niveau de toxicité sans danger pour la population. Toutes les études concourent donc à conclure à la nécessité de l’abandon du mercure dentaire qui entre pour 50% dans la composition des « plombages ».

La Convention internationale de Minamata pour interdire le mercure dentaire

En octobre 2013, a eu lieu la première convention internationale sur une substance spécifique, le mercure, le désignant comme l’une des plus toxiques que l’on connaisse et qui doit donc se voir interdire pour les utilisations pour lesquelles des alternatives existent. « Hélas, de façon paradoxale, l’interdiction du mercure dentaire n’a pas été décidée : son remplacement par des alternatives doit être favorisé, mais aucune date pour son abandon n’a été fixée. Pour les autres usages du mercure : lampes, fabrication de chlore et soude, industrie des plastiques… la date limite d’élimination est 2020 », précise Marie Grosman1.

En Europe, tous les produits contenant du mercure se voient progressivement prohibés (thermomètres, batteries, etc.). Tous sauf… l’amalgame dentaire. Pourtant, il empoisonne le patient, les professionnels, les écosystèmes et la population, en général. La France utilise à elle seule le tiers du mercure dentaire en Europe. La Suisse, la Suède, la Norvège, le Danemark, l’Arménie l’ont déjà interdit. De nombreux pays, même parmi les plus pauvres du monde, ont signé la convention et se sont engagés à passer à une dentisterie sans mercure d’ici 2015. Pour n’en citer que quelques-uns : l’Uruguay, le Cameroun, les Philippines, le Bangladesh, la Nouvelle- Zélande, la Suisse, etc… « Lors des négociations de la Convention, la France aurait tenté d’infléchir la position de l’Union Européenne (qui négociait pour les différents pays membres) vers une interdiction à l’horizon 2020, mais n’aurait pas été suivie par le RU, l’Allemagne, la Pologne… En revanche, il est vrai que la France s’était longtemps opposée à l’interdiction ; il y a eu un revirement entre 2011 et 2012. Maintenant, la position de la France est : « plus d’opposition à l’arrêt du mercure dentaire, mais allons-y lentement » explique Marie Grosman.

Quelques chiffres ou comment la Sécurité Sociale en France rembourse le plus toxique

Sur un plan mondial, un quart du mercure est affecté à la sphère dentaire. En Europe, il s’agit de la seconde source de consommation du mercure, après l’industrie du chlore, où il sera bientôt interdit. Le mercure dentaire est la première source d’imprégnation des européens à ce métal. L’Agence nationale du médicament (ANSM) estime qu’un quart des obturations en France se ferait encore à l’amalgame. La France consomme le tiers du mercure dentaire européen. L’intoxication indirecte est également préoccupante : le mercure d’origine dentaire rejeté dans l’environnement s’accumule notamment dans les poissons et on le retrouve donc dans l’assiette. En 2011, le Conseil de l’Europe a recommandé « la restriction, voire l’interdiction, des amalgames comme matériaux dentaires. » La France a fait la sourde oreille.

Les plus exposés : les professionnels dentaires et la génération future

Fœtus, embryon et enfants sont particulièrement sensibles à la toxicité du mercure, du fait de la plasticité de leur cerveau. Le mercure transite par le placenta et par le lait maternel, intoxiquant l’organisme et, par voie de conséquence, participant à la progression des maladies chroniques. Même s’il est souvent difficile d’établir le lien de cause à effet, des études montrent l’impact du mercure sur les maladies neuro-dégénératives comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, la sclérose en plaques, l’électro-hypersensibilité, les maladies mentales, des troubles cardiovasculaires (tension artérielle, mort subite, etc…), résistance aux antibiotiques (les bactéries deviennent résistantes au mercure, et donc aux antibiotiques). Une vaste étude sur la sclérose en plaques a montré que chaque amalgame supplémentaire augmentait le risque de tomber malade de 24%.

Les rapports entre le nombre d’amalgames dans la bouche d’une mère et la quantité de mercure dans le cerveau de son enfant ont également été établis. Les symptômes d’atteinte au mercure sont regroupés sous le terme d’éréthisme mercuriel et peuvent prendre la forme de dépression, de troubles de la mémoire, de manifestations cutanées, de dérèglements immunitaires, musculaires, neurologiques non spécifiques.On y relève aussi des maladies professionnelles augmentées comme le tremblement mercuriel, le glioblastome, un type de de cancer cérébral dont le risque est multiplié par 3 fois, des problèmes de fertilité, l’augmentation du risque de fausse couche ou de non fermeture du tube neural lors de la grossesse.

La dépose des amalgames, un risque à mesurer et des précautions à prendre

La dépose systématique n’est pas recommandée, car elle reste risquée, en raison d’une libération importante de vapeurs mercurielles. Des conditions optimales sont requises pour se protéger des vapeurs de mercure : dentistes formés, matériel adéquat, etc… Des cas de sclérose latérale amyotrophique se sont déclarés peu de temps après des déposes massives d’amalgames dentaires sans les précautions requises. Pour toute intervention sur des amalgames en place, il faut s’assurer que le professionnel utilise bien un champ chirurgical, un aspirateur chirurgical tenu par un assistant, un refroidissement à eau avec un fort débit, des protections de tous (patient, dentiste, assistant, etc…) par un masque au charbon. Le cabinet ne comportera ni rideau ni moquette qui seraient sinon imprégnés de mercure. Il possédera un séparateur d’amalgame, sachant que de toute façon il n’est jamais étanche.

Que demande le projet de loi ?

L’obligation de renoncer au mercure dentaire et de le remplacer par des matériaux alternatifs, et ceci d’ici 2018.
Le déremboursement de la pose d’amalgame (qui a permis à la Suède une transition rapide et efficace) et une revalorisation des alternatives comme les composites ou résines.
L’interdiction immédiate d’obturer les dents de lait avec des amalgames.
L’arrêt de la formation à la pose des amalgames en faculté dentaire et la formation à la pose de matériaux alternatifs (ciments verre ionomères et composites ou résines).
Concernant le passif et l’existant :une écologie du recyclage du mercure en cabinet dentaire ; une protection du praticien des assistants et du patient ; une formation des professionnels à la toxicologie et aux bonnes pratiques ; une application de la législation européenne pour les personnels enceintes ; l’institution de contrôle dans les cabinets pour limiter les infractions.

Concernant l’information et la sécurité : le rappel de la sur la loi Kouchner de 2002 qui a inscrit dans la loi le droit du patient à un consentement éclairé grâce à la transparence et l’information sur les produits mis dans sa bouche par un affichage dans la salle d’attente, un document expliqué oralement, puis signé par le patient ; des tests de toxicité sur tous les matériaux dentaires ; l’interdiction de mise sur le marché ou de maintien de matériaux dentaires toxiques.

Concernant la prévention : la mise en place d’une réelle politique de prévention en matière dentaire plutôt que l’actuelle, principalement curative et très onéreuse, si on additionne tous les coûts sur la santé et l’environnement ; le repérage et l’éducation des populations à risque : aujourd’hui en France, le nombre de dents cariées, absentes, obturées (indice CAO) à 12 ans est de 1,12 contre 0 ,7 en Allemagne, par exemple. Près de 20% des enfants français cumulent 80% de la pathologie carieuse, ces inégalités étant d’ordre socio-économique ; la mise en place d’une prévention dentaire individualisée : analyses bactériennes, détartrage, reminéralisation, scellement des sillons… ce qui est aujourd’hui un luxe et pourrait néanmoins devenir un moyen de faire des économies à l’échelle du pays ; la création du métier d’hygiéniste dentaire.

Les auteurs du projet de loi :

Michèle Rivasi, député européenne EELV
Aline Archimbaud, sénatrice EELV
André Cicolella, Président du Réseau Environnement Santé
1 Marie Grosman, agrégée en Sciences de la Vie et de la Terre, spécialiste en santé publique, conseillère scientifique de Non au mercure Dentaire et Vice-Présidente pour la région Europe de l’Alliance mondiale pour une dentisterie sans mercure.
Geoffroy Begon, Délégué général de Non au mercure dentaire
Jean-Louis Roumegas, député EELV

Article rédigé par Raïssa Blankoff, naturopathe, www.naturoparis.com

Sources :

1 – Menace sur nos neurones, Marie Grosman et Roger Lenglet, Actes Sud, 2011(à paraître en poche chez Babel en février 2014).

2 – Toxique planète, le scandale invisible des maladies chroniques, d’André Cicolella, Seuil, 2013.

3 – Le rapport Biois :
http://ec.europa.eu/… … 110712.pdf

4 – Le rapport du Conseil de l’Europe :
Synthèse : http://assembly.coe…. … ES1816.htm
Ou le rapport complet : http://assembly.coe…. … 18&lang=FR